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Le Declic de l'info

Décryptage par Eithel Aurélien EYE’EConsultant en droit social, gestion des ressources humaines et management

L’immunité présidentielle au Cameroun est consacrée par l’article 53 de la Constitution du Cameroun.

Il fait référence à un régime d’immunité spécifique au Président de la République.

Ce pouvoir le soustrait à toute responsabilité pour les actes accomplis dans l’exercice de ses fonctions.

Mais, elle change en cas de haute trahison.https://ledeclicdelinfo.com/2025/03/07/debut-de-regne-pour-sa-majeste-njiotsoon-sonkwe-adrien/

Cette disposition renforce la protection juridique du Chef de l’État et lui assure une liberté d’action quasi absolue.

Toutefois, en encadrant strictement sa mise en accusation, elle soulève des enjeux majeurs en matière de responsabilité politique et institutionnelle.

  1. Texte intégral de l’article 53

L’Article 53 de la Constitution du Cameroun dispose :
« (1) La Haute Cour de Justice est compétente pour juger les actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions par :
o Le Président de la République en cas de haute trahison ;
o Le Premier Ministre, les autres membres du Gouvernement et assimilés, ainsi que les hauts responsables de l’administration.

Seulement, en cas de délégation de pouvoirs en application des articles 10 et 12, en cas de complot contre la sûreté de l’État.

(2) Le Président de la République ne peut être mis en accusation que par l’Assemblée Nationale et le Sénat.

Tout en statuant par un vote identique au scrutin public et à la majorité des quatre cinquièmes des membres les composant.

(3) Les actes accomplis par le Président de la République en application des articles 5, 8, 9 et 10 sont couverts par l’immunité.

Ces actes ne sauraient engager sa responsabilité à l’issue de son mandat.

(4) L’organisation, la composition, les conditions de saisine ainsi que la procédure suivie devant la Haute Cour de Justice sont déterminées par la loi ».

  1. Objet de l’article 53

L’article 53 a pour but de protéger le Président de la République contre toute poursuite judiciaire pour des actes accomplis dans l’exercice de ses fonctions.

Il établit cependant une exception : en cas de haute trahison, le Président peut être traduit devant la Haute Cour de Justice.

Cet article vise donc à assurer la stabilité des institutions et à éviter que le Président ne soit constamment exposé à des contestations judiciaires qui pourraient perturber son mandat.

  1. Analyse des dispositions

L’article 53 se divise en quatre parties essentielles :
a. Compétence de la Haute Cour de Justice :
o Elle est seule habilitée à juger le Président en cas de haute trahison.
o L’institution peut également juger d’autres hauts responsables en cas de complot contre la sûreté de l’État.
b. Procédure de mise en accusation du Président :
o Le Président ne peut être mis en accusation que par un vote des 4/5 des membres de l’Assemblée Nationale et du Sénat.
o Ce seuil très élevé rend une mise en accusation quasiment impossible dans la pratique.
c. Immunité du Président pour les actes relevant des articles 5, 8, 9 et 10 :
o Ces articles concernent ses prérogatives exécutives :
 Article 5 : Il incarne l’unité nationale et définit la politique du pays.
 Article 8 : exerce le pouvoir exécutif et est chef des forces armées.
 Article 9 : peut proclamer l’état d’urgence ou l’état d’exception.
 Article 10 : nomme et révoque les membres du gouvernement.
o Par conséquent, aucune responsabilité ne peut être engagée contre lui pour ces actes. Ce qui est valable même après la son mandat.
d. Renvoi aux lois organiques pour préciser la procédure devant la Haute Cour de Justice :
o La Constitution prévoit une juridiction spéciale, mais les détails procéduraux sont laissés à une législation ultérieure.

  1. Portée de l’article 53

Cet article a plusieurs implications :
a. Inviolabilité du Président dans l’exercice de ses fonctions :
o Il ne peut être poursuivi ni pendant ni après son mandat pour les décisions politiques et administratives qu’il a prises dans le cadre de ses attributions.
b. Protection contre les poursuites judiciaires :
o Il empêche toute tentative de judiciarisation de la politique.
o Même après son mandat, il reste protégé des poursuites pour les actes relevant des articles 5, 8, 9 et 10.
c. Exception en cas de haute trahison :
o Seul crime pour lequel il peut être jugé, mais la procédure de mise en accusation est si complexe qu’elle est presque impraticable.
d. Contraste avec d’autres régimes présidentiels :
o Contrairement à d’autres pays où un Président peut être poursuivi après son mandat, au Cameroun, cette possibilité est quasiment exclue.

  1. Enjeux de l’Article 53

Cet article soulève plusieurs enjeux politiques et juridiques :
a. Concentration du pouvoir et absence de responsabilité politique réelle :
o Le Président dispose de larges pouvoirs exécutifs, sans réel contre-pouvoir judiciaire.
o L’impossibilité de le juger même après son mandat peut conduire à une impunité de fait.
b. Difficulté de mise en accusation en cas de haute trahison :
o Le seuil des 4/5 des votes du Parlement est presque inatteignable, surtout dans un contexte où l’Assemblée et le Sénat sont majoritairement dominés par le parti au pouvoir.
c. Risque d’abus de pouvoir :
o Le Président peut user de son droit de grâce (Article 8), de ses pouvoirs exceptionnels (Article 9) et de ses nominations aux postes-clés (Article 10) sans craindre de sanctions futures.
e. Stabilité institutionnelle vs. absence de responsabilité :
o L’objectif de l’article est d’assurer la stabilité du pays, mais il réduit la possibilité de sanctionner d’éventuels abus de pouvoir.
f. Comparaison avec d’autres systèmes :
o Aux États-Unis, un Président peut être « impeaché » et poursuivi après son mandat (ex. : Donald Trump).
o En France, la responsabilité pénale du Président est engagée après son mandat pour des actes privés mais pas pour des actes de fonction.https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/rabies#:~:text=Il%20existe%20deux%20formes%20de,quelques%20jours%20par%20arr%C3%AAt%20cardiorespiratoire.

En conclusion, l’article 53 de la Constitution camerounaise, offre une immunité presque totale au Président de la République. Cependant, en cas de haute trahison, il peut être poursuivi.

Cette disposition vise à protéger la fonction présidentielle.

Mais réduit fortement les possibilités de contrôle judiciaire, ce qui peut poser des problèmes en cas d’abus de pouvoir.

Le véritable enjeu est donc de trouver un équilibre entre la stabilité politique et la responsabilité démocratique du Chef de l’État.

© 2025 Eithel Aurélien EYE’E – Tous droits réservés

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