Alexandra Doula, sur le front
Célébrons un autre profil féminin. Alexandra Mbongo Ekwalla, a traversé une phase difficile de son histoire et de la maternité. Et son vécu, elle s’en inspire pour accompagner d’autres victimes de dépression Post-partum. La jeune femme se raconte dans votre journal Ledeclicdelinfo.com
LDI : Pourriez-vous nous parler de votre expérience personnelle avec la dépression post-partum ?
AME : Quand j’ai eu mon premier bébé il y a 5 ans, je ne savais même pas ce que c’était, la dépression post-partum. Personne ne m’en avait parlé. Puis, c’est vraiment une période que je ne souhaite à aucune maman. J’ai traversé des moments où je doutais vraiment de moi-même. J’en voulais à mon bébé et à mon mari.
Je me demandais si j’étais une bonne mère, si je faisais bien les choses. Les nuits blanches, les pleurs du bébé, les crevasses, les 15 points de suture, mon corps qui avait changé… tout ça m’a beaucoup affectée.
Heureusement, mon entourage était là pour moi. Mon mari a été mon roc. Plus encore, sans lui, je ne sais pas comment j’aurais fait. Petit à petit, j’ai commencé à me sentir mieux.
Cette expérience difficile m’a au moins appris quelque chose. En effet, pour ma deuxième grossesse, j’étais mieux préparée. Je savais à quoi m’attendre et comment chercher de l’aide quand ça n’allait pas.
A propos de ce sujet, chez nous, au Cameroun, on ne parle pas assez de ces problèmes. Et pourtant, beaucoup de mamans souffrent en silence, pensant qu’elles doivent être fortes tout le temps.
Mais c’est important de savoir qu’on peut demander de l’aide et qu’on n’est pas seule.
LDI: Comment définiriez-vous la dépression post-partum, avec le recul de votre expérience ?
AME : Avec le recul de mon expérience, je définirais la dépression post-partum comme une dépression assez intense. Elle survient après l’accouchement.
Les causes sont le stress, le manque de repos, la peur d’être une bonne mère, des remarques indélicates de l’entourage.
On peut évoquer le manque de soutien, de la minimisation des ressentis de la maman, d’un allaitement qui a mal démarré.
Parlons aussi, d’un accouchement qui s’est mal déroulé et des douleurs post-accouchement.
Les signes sont : une maman super irritable, une maman qui a du mal à créer un lien affectif avec son bébé.
C’est une mère toujours triste qui passe son temps à pleurer. Elle est toujours fatiguée malgré le repos, des troubles du sommeil et de l’appétit.
Cette maman s’isole, doute de sa capacité à être une bonne mère et a des pensées suicidaires…
LDI:Quelles ont été les étapes clés de votre parcours de guérison ?
AME : Les étapes de ma guérison ? Ça n’a pas été simple. Toutefois, je peux vous dire ce qui m’a sauvée. La première étape, consiste à reconnaître qu’on a un problème.
Cette phase, s’est faite grâce à mon mari qui m’avait fait remarquer que je me comportais comme une machine avec mon premier bébé. En effet, je lui donnais le sein, le berçais, le changeais et sans plus.
De plus, je me suis rendue compte alors que j’en voulais à mon bébé et à mon mari. Plus encore, parce que mon accouchement s’était très mal passé.
Je me suis ressaisie et j’ai demandé pardon à mon bébé, j’ai eu une conversation honnête avec mon mari. Puis j’ai demandé à Dieu de me guider dans mon nouveau rôle de mère.
En outre, j’ai cherché des solutions pour rendre ma maternité plus agréable. Et encore, j’ai refusé d’accepter que je devais souffrir parce que j’étais mère. Davantage, l’autre grande étape a été l’acceptation de mon nouveau corps. J’ai fait le deuil de l’ancien, ce n’était pas facile du tout.
Et même, je dirais que ce fut l’étape la plus difficile. Parler également avec d’autres mamans fut libérateur pour moi. Alors, je me suis rendue compte que je n’étais pas folle et que je n’étais pas la seule qui passait par cette phase.
J’ai accepté aussi de me reposer sans avoir honte d’être traitée de maman dormeuse ou de maman qui néglige sa maison. Mon corps venait de mettre un mini humain au monde, il le nourrissait, se reposer était crucial.
Enfin, j’ai recommencé à prendre soin de moi et à sortir de temps en temps aussi, ça m’a permis de respirer, de redevenir moi-même pour quelques heures.
Ces moments où je n’étais pas juste ‘maman’ mais encore une femme, une épouse, une sœur, une fille, une amie, m’ont fait un bien fou.
LDI: Quels sont les symptômes qui vous ont alertée et comment la maladie a-t-elle affecté votre quotidien ?
AME: La difficulté à créer un lien affectif avec mon premier bébé, l’irritabilité constante, les pleurs, la fatigue extrême.
Pendant cette période, j’éprouvais la difficulté de prier. Je pensais que Dieu m’avait abandonnée, les regrets sur mon choix concernant le lieu de naissance de mon premier bébé, le stress, la peur et l’anxiété. Ce sont ces symptômes qui m’ont alertée.
Au quotidien, à cause de la dépression post-partum, je m’énervais pour un rien. J’étais très impatiente, je n’étais pas très maternelle, je pleurais tous les soirs, malgré les efforts de mon époux.
Je lui en voulais car j’étais la seule qui gardait des séquelles de l’accouchement, je boitais, et la douleur des points de suture était horrible.
LDI: Quel message d’espoir et quels conseils souhaitez-vous transmettre aux femmes qui traversent ou ont traversé cette épreuve ?
AME: Mon message aux mamans camerounaises qui traversent cette épreuve est simple : vous n’êtes pas folles, vous n’êtes pas seules, un jour ça va finir et tout cela sera derrière vous.
Sachez que vous avez le droit de ressentir des émotions contradictoires car être mère n’est pas un long fleuve tranquille. Et c’est normal de vouloir abandonner certains jours.
Chères mamans, vous êtes incroyables et vous faites de votre mieux tous les jours, acceptez de l’aide, vous ne pouvez pas tout faire seule, n’ayez pas peur de refuser certaines visites si vous êtes fatiguées.
Cela ne fera pas de vous des mamans égoïstes mais des mamans conscientes que pour être une bonne mère, il faut bien se reposer et prendre soin de soi mentalement et physiquement.
Acceptez de parler à des proches de confiance, à votre doula, à un psychologue ou un autre personnel de santé, n’ayez pas honte. La prière aide beaucoup, confiez vos peines à Dieu et demandez-lui de vous fortifier.
Je suis devenue Doula (accompagnante à la naissance et au deuil périnatal) pour moi, pour vous. La dépression post-partum n’est pas un signe de faiblesse, ni une maladie qui ne concerne que les femmes occidentales.
Notre société doit être édifiée au quotidien sur l’impact que cette maladie a sur les mamans, on doit plus materner les mamans.
Chaque maman camerounaise mérite une famille et des amis qui comprennent vraiment ce qu’est la dépression post-partum. Comment la reconnaître et ce qu’elle peut causer.https://ledeclicdelinfo.com/2025/03/09/immunite-presidentielle-au-cameroun/
Avec un entourage attentif et informé, la nouvelle mère peut vivre cette période avec plus de douceur et moins de souffrance. Quand les proches savent repérer les signes, ils peuvent aider avant que ça ne devienne trop lourd.
Qu’ils arrêtent de dire des choses comme « ressaisis-toi » ou « toutes les mamans passent par-là ».
Ils devraient commencer plutôt à offrir un soutien concret et de la compréhension. La maternité n’est pas censée être une épreuve qu’on traverse seule.https://www.facebook.com/61553421102581/videos/527530917026222/?app=fbl
Dans notre tradition africaine, prendre soin d’une nouvelle mère était toujours une affaire de communauté.
C’est ce dont nous avons besoin aujourd’hui, et non les jugements. Il faut des mains tendues et des cœurs ouverts pour que chaque femme puisse vivre sa maternité avec bienveillance, respect et douceur.

Propos recueillis par la Rédaction
#Depression #Post-Partum
