Le 25 juin 2024, une messe solennelle s’est tenue à la cathédrale Saint-Christophe de Bafoussam, un lieu de culte emblématique dans la région de l’Ouest du Cameroun. Ce jour-là, l’évêque de Bafoussam, Mgr Paul Lontsié-Keuné, a prononcé une homélie qui a rapidement fait le tour des conversations, mais pas pour les raisons habituelles. En effet, les paroles de l’évêque ont déclenché une vive polémique, particulièrement au sein des autorités traditionnelles de la région. Au cœur de son discours, l’évêque a sévèrement critiqué certaines pratiques ancestrales, allant jusqu’à qualifier certains chefs traditionnels de « païens » et d' »adeptes de Satan ». Ces propos ont été perçus comme une attaque frontale contre la culture et les valeurs traditionnelles, soulevant une vague d’indignation parmi les gardiens de ces traditions.
Analyse des déclarations
Les propos de l’évêque :
Dans son homélie, Mgr Paul Lontsié-Keuné a pointé du doigt des pratiques qu’il juge incompatibles avec les enseignements de l’Église catholique. Il a notamment condamné l’utilisation de talismans, les consultations de féticheurs, et d’autres rituels considérés comme relevant de la sorcellerie. Selon l’évêque, ces pratiques seraient contraires à la parole de Dieu et ne devraient pas être tolérées, même au sein de la communauté traditionnelle. Il a également remis en question l’autorité spirituelle des chefs traditionnels, arguant que leur légitimité ne pouvait pas se fonder sur des pratiques qu’il considère comme païennes.
La réaction des chefs traditionnels :
Les propos de l’évêque ont été accueillis avec une grande colère par les chefs traditionnels de la région. Ces derniers ont dénoncé des paroles irrespectueuses et diffamatoires, affirmant que l’évêque avait franchi une ligne rouge en s’attaquant ainsi à des pratiques qui, selon eux, sont au cœur de l’identité culturelle de leurs peuples. Les chefs traditionnels ont rappelé que ces pratiques, qu’ils qualifient de spirituelles et non de païennes, sont une composante essentielle de la vie sociale et religieuse des communautés qu’ils dirigent. Ils ont souligné que l’Église catholique, bien que respectée, n’a pas autorité pour juger ou critiquer des traditions qui existent bien avant son implantation dans la région.
Enjeux et conséquences
Risque de tensions intercommunautaires :
Cet incident survient dans un contexte déjà marqué par des tensions latentes entre différentes communautés religieuses et traditionnelles de la région de Bafoussam. Les propos de l’évêque risquent d’exacerber ces tensions, opposant davantage les communautés chrétiennes aux défenseurs des traditions ancestrales. Une telle situation pourrait non seulement diviser la population locale, mais aussi provoquer des affrontements qui pourraient dégénérer si aucune mesure n’est prise pour apaiser les esprits.
Remise en question du rôle de l’Église :
La sortie médiatique de Mgr Lontsié-Keuné pourrait également avoir des répercussions sur l’image de l’Église catholique dans la région. L’Église, perçue par certains comme un vecteur de colonisation culturelle, pourrait voir son rôle contesté, surtout si elle est vue comme intolérante et irrespectueuse des coutumes locales. Cette affaire pourrait ainsi fragiliser la relation entre l’Église et les communautés locales, qui pourraient percevoir les institutions religieuses comme une menace pour leur identité culturelle.
Nécessité d’un dialogue apaisé :
Face à cette situation délicate, un dialogue apaisé et constructif entre l’Église catholique et les autorités traditionnelles semble indispensable pour éviter que la situation ne dégénère. Un tel dialogue devrait permettre de clarifier les positions de chacun, d’identifier les malentendus éventuels et de promouvoir un respect mutuel des différences. Il est crucial que les deux parties trouvent un terrain d’entente, afin de garantir la coexistence pacifique entre les différentes communautés.
Recommandations
Dialogue interreligieux et intercommunautaire :
Pour éviter que de tels incidents ne se reproduisent à l’avenir, il est impératif d’encourager un dialogue sincère entre les leaders religieux et traditionnels. Ce dialogue pourrait être facilité par des rencontres régulières où chaque partie aurait l’occasion d’exprimer ses préoccupations et de mieux comprendre les positions de l’autre. Cela permettrait non seulement de désamorcer les tensions actuelles, mais aussi de créer des ponts entre des communautés qui ont parfois du mal à coexister.
Sensibilisation au respect mutuel :
Parallèlement au dialogue, il serait judicieux d’organiser des campagnes de sensibilisation pour promouvoir le respect mutuel entre les différentes communautés religieuses et traditionnelles. Ces campagnes pourraient mettre l’accent sur l’importance de la coexistence pacifique, du respect des différences culturelles et du dialogue interculturel. Elles pourraient également rappeler que le respect des croyances et des pratiques de chacun est essentiel pour maintenir l’harmonie sociale.
Rôle des autorités :
Enfin, les autorités civiles et religieuses ont un rôle crucial à jouer dans ce contexte. Elles doivent non seulement encourager le dialogue, mais aussi veiller à ce que les discussions se déroulent dans un climat de respect et de tolérance. En appelant au calme et à la retenue, les autorités peuvent contribuer à désamorcer la crise et à rétablir la confiance entre les différentes parties. Il est essentiel que ces autorités agissent rapidement pour éviter que la situation ne se détériore davantage.
En somme, l’incident survenu à la cathédrale Saint-Christophe de Bafoussam doit servir de catalyseur pour un dialogue plus large sur le rôle de l’Église et des traditions dans la société camerounaise moderne. Il est crucial de promouvoir un climat de respect mutuel et de compréhension pour garantir la paix et l’harmonie au sein de la région.